Superbe exposition photos sur le Tibet au musée de la photographie de Nice.
Le voyage est souvent à l’origine du travail photographique de Jacques Borgetto, photographe et voyageur « de long cours », dont la manière de procéder s’apparente à celle des explorateurs. Motivé d’abord par le désir de retracer le parcours de ses grands oncles italiens émigrés en Amérique latine, Borgetto n’a plus arrêté, depuis, de partir à la découverte de régions dont il s’est attaché à rendre compte de l’évolution au fil des années. Cela, en Argentine, au Chili, au Japon, au Tibet, en Afrique…, en allant au delà du voyage intérieur pour focaliser son attention sur les autres dont il cherche à comprendre et à intégrer la culture. Jacques Borgetto, avec son travail qui se construit pays par pays, crée son propre Atlas.
«Si près du ciel, le Tibet» Jacques Borgetto – NiceTout en s’appuyant sur les genres classiques du portrait et du paysage, il pose un regard nouveau sur des contrées et des civilisations méconnues et il arrive à en livrer une vision intime. Les images, résultantes de ses rencontres, magnifient les lieux visités, leurs paysages, leur patrimoine et leur culture, sans pour autant vouloir occulter les tensions du contexte économique et politique.
Ainsi au Tibet, dont Borgetto montre la sérénité, le quotidien et le spirituel, les traditions persistantes et la modernité approchante, mais où l’immensité du ciel, si présente dans ses images, semble évoquer la question du territoire nié, telle une forme de résistance céleste.
Dans le sillage de Georges Bataille qui en 1947 parlait du « mystère du Tibet » et comme il est souvent le cas pour nous occidentaux, le«Si près du ciel, le Tibet» Jacques Borgetto – Nice Tibet représentait pour Borgetto depuis toujours un grand mystère et exerçait une grande attirance, sentiments nourris par ses lectures d’Alexandra David-Neel et de bien d’autres qui lui ont permis d’entrevoir la richesse et la singularité de cette civilisation.
Depuis 2007, il a parcouru le Tibet de nombreuses fois, au printemps, en hiver et à l’automne, à l’occasion de sept voyages d’une durée de cinq à six semaines, pendant les quels il partageait le quotidien des nomades des hauts plateaux et des moines. Si ces voyages ont toujours été pour lui une expérience spirituelle, ils lui ont permis également de découvrir un peuple exceptionnel, aujourd’hui menacé dans son identité.
Peu de traces des couleurs dans le Tibet de Borgetto qui, le plus souvent, choisit de travailler en noir et blanc, pour des images à la matière sensible, charbonneuses et contrastées, mystérieuses et à la fois denses d’informations. La couleur intervient depuis peu et surtout dans les paysages photographiés au printemps, comme pour souligner la douceur des prairies, des collines, la luminosité du ciel et l’harmonie des architectures.
Son noir et blanc semble vouloir exprimer la forte spiritualité du Tibet et, au même temps, la nostalgie pour un monde qui risque, au moins en apparence, de s’effacer lentement sous les contraintes.
Mais il semble également traduire la puissance de la pensée bouddhiste, pensée faite réalité, identifiée et identifiable en un pays, qui, seul, semble résister à la violence, aux turbulences et à la globalisation qui régissent le reste du monde.
[source :Laura Serani]
Directrice artistique et commissaire d’exposition de projets photographiques,
Présidente du jury des Treilles et auteur de nombreux ouvrage