Exposition “BETTINA RHEIMS” au musée de la photographie de Nice

 

Bettina Rheims

Le Musée de la Photographie Charles Nègre présente pour la première fois à Nice une exposition consacrée à Bettina Rheims, portraitiste et photographe de mode de renommée internationale qui développe depuis plus de quarante ans une œuvre personnelle aux multiples facettes.

 

Au début des années 1990, Bettina Rheims travaille en France et aux Etats-Unis où elle collabore avec des magazines internationaux et enchaîne les commandes : campagnes pour la mode et la publicité, portraits de célébrités et images de promotion pour le cinéma. Au milieu de toutes ces commandes, certaines images se distinguent pour devenir des œuvres d’art. Elles s’inscrivent si précisément dans son travail personnel que Bettina Rheims décide de les extraire de leur contexte afin de les regrouper au fur et à mesure pour créer la série emblématique Pourquoi m’as-tu abandonnée ? dont font partie les 29 œuvres exposées.
 
Portraitiste brillante, Bettina Rheims a l’art de révéler la personnalité et les émotions de celles qu’elle photographie. Elle nous livre des images suggestives, troublantes et touchantes. Ses héroïnes, célèbres ou non, toujours photographiées avec bienveillance, s’abandonnent sans filtre dans l’objectif.
 
Les femmes et la photographie:
 
Les femmes sont omniprésentes dans l’art mais le plus souvent comme modèles ou muses. Un décalage persiste entre la prédominance des sujets féminins souvent dénudés, dans les collections des musées, et la sous-représentation des artistes féminins. La photographie a joué un rôle libérateur pour les femmes qui s’en sont emparée dès l’origine pour en faire un moyen d’expression privilégié et revendiquer un regard différent de celui des hommes.
 
Parmi les plus célèbres figurent Anna Atkins pionnière de la photographie, Julia Margaret Cameron incontournable du pictorialisme, Dora Maar et ses photomontages surréalistes, Germaine Krull figure de la Nouvelle vision, Imogen Cunningham, Berenice Abbott, Dorothea Lange et sa photographie documentaire, Sabine Weiss qui incarne la photographie humaniste, Diane Arbus avec ses portraits audacieux. Certaines ont marqué le genre du portrait et de la mode : Louise Dahl-Wolfe, Lee Miller, Ellen von Unwerth, Sarah Moon ou Annie Leibovitz.
De même que la peinture et la sculpture, la photographie a fait du modèle féminin un de ses sujets majeurs. Aux femmes idéalisées ou indirectement suggestives de l’art classique, la photographie a rapidement substitué une femme objet, souvent charnelle et symbolique.
 
Quand la création de l’œuvre d’art implique une certaine dose de sensualité artistique, il est compliqué de photographier une femme, de surcroît dénudée, sans la sexualiser. Comment sortir du male gaze, concept forgé par la critique de cinéma Laura Mulvey en 1975, pour dénoncer le regard masculin caricatural sur les femmes qui a triomphé pendant des décennies dans les expositions et les magazines ? Un modèle incarné entre autres par Helmut Newton et ses photographies de femmes objets.
 
Dans les années 80 et 90 où le regard masculin règne sur la photographie de mode, Bettina Rheims veut en finir avec le voyeurisme et la fétichisation. Ses images cassent les codes de la photographie de portrait et de mode éclatant et redéfinissant le glamour, la beauté et l’érotisme. Bettina Rheims est une actrice des années de la libération des corps, de la chair déshabillée jusqu’au grain de la peau mais elle entend révéler ce qu’il y a sous la peau de ses modèles. Même si sa photographie est souvent qualifiée de sulfureuse, elle paraît plutôt chaste à l’ère des réseaux sociaux où les barrières de l’intime explosent et la chair s’exhibe sans limite.
 
La photographie de Bettina Rheims:
 
Bettina Rheims avoue admirer l’œuvre de la photographe américaine Diane Arbus mais ses influences se situent plutôt dans la sculpture et la peinture. Son père, commissaire-priseur, expert en art et académicien, l’a initiée très jeune à l’art dans les musées et les cimetières où se trouvaient les plus belles sculptures. En peinture, ce serait la Renaissance, les intérieurs flamands, la peinture du XIXe siècle en Autriche, Klimt, Schiele et certaines séries de Gauguin ou de Lautrec.
 
La démarche artistique de Bettina Rheims est inclassable. Portrait, mode, politique, contemporaine, engagée, sa photographie use des genres pour se créer un univers singulier. La représentation et la construction de la féminité sont ses sujets de prédilection.
La femme photographiée par Bettina Rheims s’expose et se délivre, déconstruisant son image comme elle découvre son corps. Une représentation d’une beauté décalée par des mises en scène et des scénarios parfaitement maitrisés. L’artiste aime raconter des histoires à travers ses images. Elle compose des situations complexes ou symboliques avec un talent particulier pour la narration visuelle.
 
Ses modèles sont souvent photographiés en intérieur, dans son studio, parfois des chambres d’hôtel. Elle les place au cœur d’une mise en scène, comme Madonna en 1994, dans une chambre d’hôtel où la chanteuse est photographiée au-delà des conventions jusqu’à donner parfois l’impression d’être malmenée. Bettina Rheims tisse des histoires au gré de ses compositions.
 
Ses photographies traduisent l’ambivalence entre la fragilité du corps féminin parfois photographié en contre-plongée, allongé, nu, mince, et sa puissance incarnée par le désir sexuel. C’est un jeu permanent et un équilibre entre la vulnérabilité des modèles et leurs attitudes d’amazones ou d’héroïnes puissantes. Elle photographie des femmes à la fois fortes et fragiles, mais dans le contrôle d’elles-mêmes. Devant comme derrière l’objectif, la femme trouve sa place et utilise l’appareil photo tant comme un outil de dénonciation qu’un vecteur d’indépendance et d’affirmation. C’est un travail qu’elle qualifie de féministe comme la majeure partie de son œuvre.
 
Le corps féminin, qu’il soit nu ou habillé, est le sujet central de son travail. Ce n’est pas la nudité qui l’intéresse mais ce qui se trouve en dessous, ce que cela provoque sur les personnes qui regardent et y projettent leurs propres fantasmes. Bettina Rheims est également l’une des premières photographes à avoir capturé l’émergence de personnes transgenres bien avant que le sujet ne passe au premier plan.
 
Le corps féminin, qu’il soit nu ou habillé, est le sujet central de son travail. Ce n’est pas la nudité qui l’intéresse mais ce qui se trouve en dessous, ce que cela provoque sur les personnes qui regardent et y projettent leurs propres fantasmes. Bettina Rheims est également l’une des premières photographes à avoir capturé l’émergence de personnes transgenres bien avant que le sujet ne passe au premier plan.
 
Lorsqu’il s’agit de photographier un modèle féminin, la confiance est plus facile à installer de femme à femme. Le modèle peut donner davantage car il n’y a pas de danger. Bettina Rheims prend le temps, le temps de préparation, de repérage, de coiffure et d’habillage pour s’intéresser à son modèle, le connaître et se faire connaître, tenter de l’apprivoiser un peu et d’instaurer une complicité. Au fil de cet échange, l’instrumentalisation glacée de la femme qui pose est oubliée pour atteindre une nouvelle dimension où le modèle peut s’abandonner et le photographe saisir en images des instants empreints de vérité. Ainsi, face à l’objectif de Bettina Rheims, Kristin Scott Thomas ôte sa perruque blond platine, artifice de féminité, apanage des sex-symbols, et dévoile ses cheveux bruns, laissant entrapercevoir un peu de sa personne.
 
Photographe du trouble et de la transgression, Bettina Rheims a vu défiler des centaines de femmes devant son objectif depuis ses débuts en 1978. Charlotte Rampling est la première femme célèbre à poser pour elle en 1979. L’approche n’est pas différente selon qu’elle photographie une vedette ou une parfaite inconnue mais comment réussir le portrait de ces icônes de beauté photographiées des centaines de fois ? Comment faire surgir quelque chose de nouveau ? Qu’elles soient célèbres ou anonymes, stars ou détenues, mannequins ou militantes, toutes lui ont confié une part de leur image dont elle a su révéler l’ambiguïté à la fois subversive et glamour, trash et sophistiquée.
 
Bettina Rheims perturbe les codes de la photographie en mettant en scène des femmes qu’elle capture dans des instants d’une puissante intimité. Elle les exalte avec cette force artistique de représentation qui lui est propre. C’est ce réalisme singulier, cette audace aussi dans les thèmes et le traitement sculptural des formes, qui ont fait son succès.
 
Bettina Rheims perturbe les codes de la photographie en mettant en scène des femmes qu’elle capture dans des instants d’une puissante intimité. Elle les exalte avec cette force artistique de représentation qui lui est propre. C’est ce réalisme singulier, cette audace aussi dans les thèmes et le traitement sculptural des formes, qui ont fait son succès.
 
Biographie:
 
Bettina Rheims est née à Neuilly-sur-Seine en 1952. Elle s’est initiée à la photographie à l’adolescence, mais c’est son compagnon le romancier Serge Bramly, qui va la remettre sur la piste de la photo en lui offrant un appareil photo chiné aux puces, avec lequel elle va faire ses vraies premières photos. De sa série sur les stripteaseuses de Pigalle (1980) qui marque le début de sa carrière, au cycle sur la vie de Jésus dans I.N.R.I. (1998), des portraits d’animaux empaillés dans la série Animal (1982) à son travail sur le genre dans Gender Studies (2011), la photographie de Bettina Rheims bouscule l’iconographie et les thèmes traditionnels.
 
L’une des séries majeures, Chambre Close (1990-1992) – la première en couleur – marque le début de sa collaboration avec Serge Bramly. Dès le début des années 90, le succès est là. Elle enchaîne les commandes : campagnes pour la publicité, portraits de célébrités, collaborations avec des magazines internationaux. Ses portraits de stars telles que Catherine Deneuve, Madonna, Monica Bellucci, Charlotte Rampling, Sharon Stone, deviennent rapidement iconiques.
 
En 1995, elle réalise le portrait officiel du Président Jacques Chirac qui la décorera des Insignes d‘Officier de la Légion d’Honneur pour l’ensemble de son travail en 2007. Elle sera promue Commandeur de la Légion d’honneur en 2013 puis élevée au grade de Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres en 2016, et promue Grand officier de l’ordre national du Mérite en 2018.
Parallèlement à son travail de commande, elle développe une œuvre personnelle qui questionne la société contemporaine. Ses séries Modern Lovers (1990), Gender Studies (2011) ou encore Kim (1990) et Les Espionnes (1992), interrogent l’essence même du genre ainsi que les réticences de la société d’alors.
 
Dans les années 2000, elle défraie la chronique avec sa série I.N.R.I. qui propose une relecture de la bible à travers la vie du Christ.
 
Poursuivant sa collaboration avec Serge Bramly, elle part à trois reprises en Chine et révèle dans la série Shanghaï en 2003, la confrontation entre les fantasmes de modernité et une société chinoise marquée par la tradition.
 
En 2010, elle réalise Rose c’est Paris, une quête initiatique dans un Paris intime, au fil d’une fiction conçue avec la complicité de Serge Bramly.
 
En 2014, encouragée par Robert Badinter, elle découvre les conditions d’incarcération des femmes en France et produit la série Détenues qui réunit plus de cinquante portraits de femmes incarcérées.
 
Plus récemment, elle explore la question du corps féminin comme un outil politique. Elle produit alors en 2017 la série Naked War issue de sa rencontre avec les Femen.
 
Bettina Rheims est une photographe de renommée internationale dont l’œuvre est présente dans de nombreuses collections publiques en France et à l’étranger. Son travail a été exposé dans les plus prestigieux musées et institutions d’art contemporain : le Centre Pompidou (1981), le Kunsthal Rotterdam, le Moscow House of Photography (2006), le C/O Berlin, le FORMA à Milan (2008), le Fotografiska Museet de Stockholm (2016). Sa rétrospective à la Maison Européenne de la Photographie à Paris en 2016 a accueilli plus de 60 000 visiteurs. Elle a collaboré avec de grandes galeries : la Galerie Jérôme de Noirmont et la Galerie Thaddaeus Ropac à Paris, Hamiltons Gallery à Londres, ou encore Pace MacGill Gallery à New-York. Depuis 2016, son travail est représenté par la Galerie Xippas.
 
Elle a publié plus de 20 livres dont Female Trouble, Chambre Close, Modern Lovers, Gender studies ou Rose c’est Paris. En 2016, les Editions Taschen lui consacre un ouvrage rétrospectif qui rassemble plus de 500 photographies réalisées durant 35 ans de sa carrière.
 
En 2018, la maison d’édition Gallimard a édité la série Détenues dans la prestigieuse collection Blanche. En 2021, Bettina Rheims a fait donation de l’ensemble de son fonds photographique à l’Institut pour la Photographie des Hauts-de-France.
 
Dépassant les 300.000 phototypes, il comprend l’ensemble de ses archives depuis les négatifs, planches-contacts, polaroids, jusqu’aux tirages de référence et d’exposition en passant par les fiches techniques de prises de vue, les notes manuscrites, toutes ses publications y compris les magazines ainsi que sa bibliothèque.

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